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« Soumission », Houellebecq se trompe-t-il sur la conversion à l’islam ?

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Soumission

Pas de transcendance

François séjourne au monastère. Il s’ennuie, il n’a pas le droit de fumer dans sa chambre. Il renonce lâchement au bout de trois jours. Il n’y a évidemment aucune transcendance, comprend-on. Dieu, tout ça, c’est une vaste fumisterie, tout homme raisonnable et éduqué le sait (les femmes c’est une autre histoire, elles croient en l’astrologie, en la fidélité, donc pourquoi pas à Dieu aussi, pendant qu’on y est ?).

Que faire ?

L’homme a pourtant besoin de transcendance, puisque, malheureusement, il ne peut baiser toute la journée.

Reste la conversion à l’islam.

C’est pratique, on se soumet, comme O s’est soumise à Sir Stephan dans « Histoire d’O » (p.260). Il y a une joie profonde dans la soumission. En plus, l’islam, c’est utile : François retrouve son poste de professeur et on lui attribue plusieurs femmes (des jeunes pour le lit, des mures pour la cuisine).

Histoire d'O

« Et je ne me sentais que plus belle, désirable et amoureuse ces fers ainsi passés à mes poignets, le fouet claquant mes reins. » Pauline Réage, « Histoire d’O »

Des femmes heureuses

Du côté féminin, nul besoin d’épiloguer sur le sort enviable de celles qui, officiellement à la charge de leurs maris, seront délivrées de la malédiction du travail, de l’enfer de l’émancipation.

D’ailleurs, en occident non islamique, à part quelques originales, le but de toute femme, depuis l’adolescence, est déjà de trouver un homme riche qui travaille à sa place, pour pouvoir mener une vie bourgeoise, tout en se lançant vaguement dans une passion (décoration intérieure, stylisme, bijoux précieux, peinture, photographie, poterie, théâtre), sans aucune contrainte de rentabilité.

Des chrétiens qui en finiraient avec la persécution

Les malheureux chrétiens d’Irak ou du Pakistan, les Cooptes d’Egypte ou les Juifs de Seine Saint-Denis, auraient beaucoup moins de soucis s’ils se convertissaient. D’ailleurs, c’est ce qu’Abou Bakr al-Baghdadi, le calife de l’État islamique en Irak et au Levant (Daesh), n’arrête pas de leur répéter, avec des arguments très convaincants, reconnaissons-le. « Convertissez-vous et vous aurez la vie sauve ».

meilleurs voeux

Convertissons-nous tous

En résumé, ne pas être musulman ne présente que des inconvénients objectifs (monogamie pour les hommes, travail pour les femmes et peur pour les minorités non musulmanes) et strictement aucun avantage.

A première vue, nous devrions, assez rapidement, tous devenir musulmans. Plus qu’un roman « d’anticipation », « Soumission » serait une vision réaliste de l’avenir de la France.

Deux arguments oubliés

Mais le roman ne prend pas en compte deux éléments très importants qui pourraient retarder ces conversions inéluctables.

1 . N’oublions jamais que l’homme est un être irrationnel

La thèse de Houellebecq (oui je sais c’est un roman, il n’y a pas de thèse) peut donc se résumer ainsi: le libre arbitre occidental (« l’égoïsme » du libéralisme) conduira inévitablement à la conversion par intérêt.

A titre posthume, Houellebecq répond à son ami Philippe Muray, (qui avait écrit en conclusion de « Chers Djihadistes » : « Nous vaincrons. Parce que nos sommes les plus morts ») : Philippe, tu te trompes, nous perdrons, parce que nous sommes les plus morts.

Mais, et Les lecteurs de ce blog le savent, l’homme est avant tout « irrationnel ». Il adore agir contre son intérêt au nom de grandes idées. Il est même prêt, cet imbécile, à mourir pour ses idées. Jean Moulin, Charb ou les chrétiens d’Irak en sont des preuves qui furent vivantes.

Houellebecq se trompe donc lui aussi.

En réalité, nous vaincrons.

Mais parce que nous sommes les moins rationnels.

Notre capacité infinie à agir contre nos propres intérêts, au nom de notre terroir, de notre enfance, de notre équipe de football, d’un saucisson, du communisme, de la retraite par répartition -de n’importe quoi-, échappe à l’analyse –pourtant brillante- de « Soumission ». Oui l’homme a besoin d’une transcendance (d’un sens absurde pour sa vie), mais non il n’y pas que l’islam : on trouve bien des gens passionnés par le championnat de France de ligue 1, c’est dire. D’autres participent à des réunions de soutien à « François Bayrou pour 2017 ». Ces gens n’ont donc aucune raison de se comporter logiquement en se soumettant à l’islam.

Raif

Raif Badouani, blogueur emprisonné et fouetté en Arabie Saoudite

2. Et puis, de toute façon, la polygamie existe déjà en France

Un œil aussi exercé que celui de Michel Houellebecq a forcément constaté que la polygamie est le système social des mâles dominants français. Tous les français riches et puissants ont plusieurs femmes. Officiellement, ils ont une « compagne », -celle dont la photo paraît dans la presse-, mais ils en ont au minimum une seconde. Chacune des deux femmes accepte en général assez bien la situation ; elle est nourrie et blanchie, les vacances sont payées, les études des enfants et l’avenir assurés ; elle a l’avantage supplémentaire de ne pas subir à plein temps les tics horripilants d’un homme à domicile. Ce serait une faute de goût* pour un riche français de n’avoir qu’une seule femme. Une preuve de faiblesse.

Un plafond islamique trop bas pour le mâle français

Notre modèle patriarcal est supérieur au modèle islamique : en plus de ses deux « compagnes » régulières, notre mâle alpha a une multitude de maîtresses dont il change souvent, dans la discrétion. Il n’a donc pas vraiment intérêt à adopter les règles strictes de la polygamie islamique. Le plafond de 4 est trop bas et l’obligation islamique de traiter chaque femme de la même manière ajouterait en outre des complications administratives dans une vie qui en est déjà trop remplie.

La vraie ironie de Houellebecq : classer les profs d’université parmi les mâles dominants !

Rediger, patron de la Sorbonne, ancien identitaire converti à l’islam, explique à un François dubitatif : « il n’y a rien d’anormal à ce que les professeurs d’université soient rangés parmi les mâles dominants » (p. 292) A ce titre, dans la nouvelle république islamiste, les professeurs ont droit à la polygamie. François négocie d’ailleurs, pendant son entretien d’embauche, un très bon salaire : 3 femmes, ce qui n’est pas très éloigné du plafond légal (p.293).

La Femme vient de France, L’Homme du Qatar

Les hommes viennent d’Arabie Saoudite, les femmes de France

Une critique voilée de l’Arabie Saoudite ?

Ainsi l’Arabie Saoudite serait suffisamment stupide pour s’intéresser aux professeurs d’université en littérature et pour leur payer des salaires élevés ?

Superbe ironie houellebecquienne. Car enfin, qui, aujourd’hui, a la moindre considération pour les professeurs d’université ? Soyons sérieux. Les héros de l’époque sont des « nerds » qui codent dans leurs garages, qui s’expriment par onomatopées, des entrepreneurs qui introduisent leur première boite à Wall Street à 21 ans, et bien sûr, des présentateurs télé. Les rares jeunes qui lisent des livres se cachent et nient vigoureusement lorsqu’ils sont surpris en flagrant délit. On ouvre des écoles pour codeurs où la sélection en termes de culture générale est impitoyable : tout élève qui en possède est rejeté.

Les professeurs d’université sont les moins que rien d’aujourd’hui.

Ils formaient la jeunesse ; aujourd’hui c’est la jeunesse qui nous forme. Elle nous apprend à coder, à pirater, à nous habiller, à parler ; elle choisit nos musiques et nos smart phones ; elle nous dit ce que nous devons penser.

Pourquoi Ali Baddou a-t-il eu « la gerbe » en lisant « Soumission » ?

Bref, oui, s’il y a une seule critique de l’islam dans ce roman, elle est là : imaginer que l’islam serait suffisamment en dehors de la modernité pour respecter des professeurs de littérature et s’intéresser à la culture !

On comprend que le roman ait pu « donner la gerbe » à Ali Baddou.

Agrégé et enseignant de philosophie à Science Po, il a été obligé d’accepter d’animer une émission débile à la télévision pour échapper au mépris dont sont victimes les professeurs de sciences humaines : il était bien placé pour avoir, le premier, démasqué l’ironie féroce de « Soumission ».

Ali Baddou dit sa « gerbe » contre « Soumission »

Ali Baddou dit sa « gerbe » contre « Soumission »

* En français dans le texte

PARTIE 1 : Houellebecq explore l’âme masculine


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